Au sein de l’écurie Fat possum peuplé essentiellement de vieux démons du blues, les Black keys font figure, sur le papier, de blancs-becs guère à leur place, de morveux jouant une musique bien trop puissante pour eux. Sur le papier seulement tant « Rubber factory » est vrai disque de blues, amer et régressif (« Grown so ugly »), un album qui s’impose, qui en impose, qui sent le vieux et le neuf dans un même mouvement (« Keep me »). « Rubber factory » est un disque ‘Ubik’ comme l’écrirait K. Dick. Un disque qui fait le grand écart entre les années 30 et, non pas les années 90 fantasmées, mais les années 2000 et qui emporte les années 50/70 sur son irrésistible passage (« 10 A.M. automatic », « Just couldn't tie me down »). C’est aussi un disque de fantôme, non pas en semi-vie, mais bien vivant, dans l’univers, parfois moribond, du blues. Là où les White stripes recrache le blues avec perversité, sagacité et intelligence, les Black keys le font avec naïveté, générosité et une totale franchise (« The desperate man », « Girls in on my mind »). Ces deux groupes sont les points opposés et limites du segment blues. Ces deux groupes méritent le même et unanime respect. Et si « Elephant » navigue en tête des charts, « Rubber factory » est dans le haut (le très haut) de notre discothèque personnelle. Car s’il n’obtient aucun de succès commercial, il obtiendra au moins notre plus belle reconnaissance pour nous offrir ce blues tellement excitant. |