Dans la salle du moulin à Marseille, le concert de Tricky affichait complet. Devant un public essentiellement rock, l'anglais de Bristol, ex membre de la fameuse Wild brunch, entrait en scène accompagné par ses quatre musiciens. Un Tricky à l'aise, en professionnel aguerri, à mille lieux de sa réputation d'emmerdeur prétentieux. Il se tenait sur un bord de la scène laissant la place centrale à sa chanteuse.
Aux quatre musiciens venaient s'ajouter par intermittence un chanteuse à la voix soul et un MC (Hawkman) intrépide qui semblait surfer sur des déferlantes sonores dérriére son micro. Le set débutait par un morceau d'une densité incroyable qui nous donnait immédiatement un avant goût de la suite. Ceux qui n'appréciaient, n'avaient pour seule solution que la fuite.
Pour Tricky, le trip-hop n'a jamais existé, il n'en a jamais produit. Il définissait sa musique comme du hip-hop. Pourtant depuis quelques années Tricky est plus punk que rappeur. "Le dernier punk?".
Dès le deuxième morceau, l'anglais enlevait le haut de sa tenue pour apparaître torse nue et montrer ses impressionnants tatouages qui en disent long sur le personnage. Tricky n'a rien de sympathique, c'est un combattant constamment en rixe contre son micro, en bagarre permanente contre lui-même, que ce soit dans ses mouvements ou dans son chant. A la manière d'un boxeur jamais avare d'énergie, Tricky donne tout ce qu'il a. On est épuisé pour lui.
Son concert féroce oscillait entre fusion (un Girls où on aurait cru entendre des Rage against de machine en pleine forme) et accalmies. Une fusion punk-soul-reggae où l'impeccable Hawkman s'intégrait parfaitement avec un phrasé implaccable. Pour la violence intermittente inouie on avait droit à un Tricky tonique dont l'osmose avec Hawkman faisait plaisir à voir. Pour les passages plus souples et souls (You don't wanna), il fallait compter sur la chanteuse plus sexy qu'efficace dont la voix s'accomodait bien des titres de Blowback, tout en dénaturant les anciens morceaux, notamment ceux tirés de Maxiquaye. En fait les titres de Maxiquaye si intrinsèquement brillant ne laisseront pas un souvenir impérrissable. Sûrement parce qu'ils ne représentent pas le Tricky du moment. Heureusement, le set était essentiellement axé sur "Blowback". Lorsque débutaient des titres plus récents (Excess, Evolution revolution love) avec un son densifié, amplfié, dans une ambiance sombre et lourde, Tricky était beaucoup plus à l'aise, beaucoup plus accrocheur.
Ce concert restera surtout en mémoire pour sa intensité, pour la fougue (fureur par moments) dégageait par l'anglais dont la musique ne peut laisser indifférent. Il est certain qu'on ne peut sortir d'un tel concert en se disant "ouaip, pas mal!". Je fais partie sans conteste de ceux qui furent impressionner par tant de générosité, par tant de sueur et de déferlement sonore. Si Tricky n'est pas un génie d'originalité, ses concerts sont une expérience sans morale, ni éthique où l'engagement physique tient une part importante, et où les âmes sensibles n'ont pas leur place. |