Thomas Winter et Bogue sont deux charmants garçons qui commencent une carrière dans la chanson. Sorte de Starsky et Hutch de la nouvelle musique française. Mélangeant en toute cruauté Deep-Purple, Cure, Front 242 avec du Céline pour les textes en un brûlot de 11 titres qui leur ressemble. Les rencontrer dans une loge, devenu « leur trou », d’une salle s’appelant « la cave aux poètes » symbolise bien leur duo : du dégoût faisons un cri, un râle qui sera porter par un disque fortement original et incisif.
Thomas et Bogue sont dans un bateau, qui tombe à l’eau ?
Bogue : Aucun des deux ou tous les deux ! Thomas ne faisait pas de la musique et moi j’étais guitariste pour d’autres gens. Il a fallu qu’on s’assemble pour créer un truc.
Winter : Je faisais de la musique pour m’amuser avec des potes c’était pas concret. Stimulé par ma jeunesse perdue.
Qui est à l’origine de ce beau duo ?
Winter : Lors d’une soirée, un peu bourré, j’ai sauté sur le responsable du label de Air, et je l’ai bassiné comme quoi je faisais de la poésie. Sans aucun espoir de l’avoir convaincu, quelques mois après je reçois un coup de fil de ce mec pour savoir s’il pouvait venir écouter ce que je faisais. Il est venu à la maison et je lui ai passé une soixantaine de chanson inaudible enregistré sur un dictaphone à 3 heures du mat à moitié fondu, avec ma guitare pourri et mes deux accords. Il a accroché tout en me disant que je devrais mettre un peu de forme sur ces textes. Pour cela il m’a présenté Nico (Bogue).
Vous vous êtes donc rencontré pour enregistre ce titre « Voulez vous danser » inclus dans une compile, vous saviez déjà qu’ensuite il y aurait un album ?
Winter : On a travaillé sur ce titre et on a continué ensemble par la suite en attendant d’avoir assez de titres pour aller démarcher les maisons de disques.
« Thomas Winter et Bogue » c’est comme sur la pochette ou vous êtes dans un parking allongé sur une tapisserie hawaïenne : un désir d’exotisme en milieu urbain ?
Winter : Exactement. Un petit paradis qu’on essaye de se créer dans la merde.
Bogue : Tu fermes les yeux et tu te dis : on est dans une bulle et même tout seul, chômeur dans une ville pommé : cela ne va pas si mal.
Vous entamez une série impressionnant de concerts, surtout dans des lieux intimistes ?
On va essayer de faire une série de petites caves assez mortel dans toute la France. En duo, avec notre mini-disque, nos machines, nos bips. Montrer un coté brut de notre travail : style Les Béruriers à l’époque. On va tenter de rester dans cette mouvance pour rencontrer de vrais personnes histoire de quitter ce buzz parisien et cette faune qui gravite autour…
Thomas, tes textes au départ ressemblent plus à des poèmes qu’à des chansons ?
Winter : J’ai jamais considéré mes textes comme des poèmes, je voyais ça plutôt comme un carnet de bord. Un exutoire. J’ai fais journalier pendant 6 ans, alors quand il pleut, que t’es dans ta cahute, qu’il fait froid, que t’as de la boue jusque au cou, je peux te dire que t’en as ras le cul. Tu prends ton cahier plutôt qu’une bière-calva pour exorciser tout ce merdier. A la fin t’as la possibilité de garder ce que tu baves pour toi ou tu oses les livrer en pâtures aux autres. Y a pas de chichi, c’est pas de l’exacerbation poétique non plus, c’est quelque chose d’assez simple.
Comment s’est déroulé le mixage poème-musique ?
Winter : Par automatisme.
Bogue : Winter arrivait avec ses textes, il posait sa voix dans mon ordinateur avec deux-trois accords témoins et après je travaillais sur la chanson. Si Thomas faisait un texte sur une « rupture » j’essayais de trouver une couleur musicale qui pourrait tenir la route en face. Nos chansons sont vraiment habillées autour de la voix.
Thomas : Dans la chanson française il y a deux alternatives : soit tu écris des conneries et tu chantes de la pisse et là tu peux la camoufler par n’importe quelle rythmique, soit tu essayes de canaliser ton texte. Si jamais tu balance une chanson qui s’appelle « Quitte moi » et que t’as l’impression qu’on a parlé du cul d’un chien c’est minable. Nous on a essayé de mettre ma voix dans un sillon qui porterait le texte.
Musicalement on retrouve des empreintes paléolithique de classique rock, de la new-wave et de l’éléctro pop actuel dans votre duo. Alors qui apporte quoi ?
Bogue : on est fan de Brassens, de Brel, de trucs hip-hop, d’alternatif rock new-yorkais. De tout en quelque sorte.
Winter : on a tous les deux écouté Cure, du hard-rock… surtout Nico.
Bogue : J’ai débuté la guitare à 14 ans à me regarder dans la glace et à vouloir jouer dans Wembley style AC-DC alors forcement ça reste mais c’est aussi ce mélange de culture, parler avec Benjamin Biolay qui vient nous dire que notre musique est cool et qu’ont crée quelque chose de nouveau c’est super motivant. Dans l’absolue : on aimerait concevoir de la musique qui n’existe pas.
Winter : Moi je m’écoute avec plaisir (rire)
La fin de « Batifole » c’est un vrai plaisir de fan de rock garage ?
Winter : une sorte d’orgasme !
Bogue : C’était de se dire je suis capable de faire une montée. Un péplum du rock. Un coté pharaonique dans la fin du morceaux que je trouve géant.
Que ce soit dans vos textes ou dans vos musiques il y a une impression de violence. La violence animale et physique c’est quelque chose de récurant dans votre album ?
Winter : Ca sent le vécu ! De la rancœur sociale en fait, il y a vraiment du bad trip derrière tout ça.
Bogue : Ses textes parlent de moiteurs, de lécher, de langue. Il y a un coté vachement corporel. On a un public de fille chez qui l’écoute de l’album a fait un effet bœuf !
Vous enchaînez « Quitte moi » et « J’me sens vidé » qui sont deux titres en totale contradiction ?
Winter : Le mec demande à sa nana de le quitter parce qu’il a pas les couilles de le faire et la seconde chanson c’est finalement quelqu’un qui ne peut pas quitter la femme qu’il aime donc : je t’en prie quitte moi ! C’est conceptuel notre truc mec !
L’usure du temps tue l’amour mais va t’elle tuer vos convictions ?
Winter : Tu te fais toujours tuer d’une façon ou d’une autre.
Le meilleur moyen de le garder ce fameux amour pour lequel vous hurlez, ce ne serait pas de s’enfuir et de boire en rêverie solitaire ?
Winter : C’est de se mettre dans le dark !
Vous semblez aimer les tatouages, au point d’en faire une chanson « Tatoo » ?
Winter : t’as tout et moi j’ai rien…
C’est quand même l’acte le plus irrévocable que l’on puisse faire, cela vous correspond bien ?
Winter : Je suis comme ça. Le fait de se lancer dans un truc irrémédiable. C’est une prise de risque. Parfois tu trimbales des regrets, le tatouage c’est la même optique : c’est pas parce que tu t’es tatoué que tu vas forcement aimer ce tatouage toute ta vie, tu peux te dire pourquoi j’ai fais cette bouzi et je passerais bien à autre choses mais bon c’est impossible et tu traînes cette connerie, comme beaucoup de chose dans l’existence. Idem pour l’album maintenant il est fait, tu vas pas demander aux gens de ne pas l’écouter. C’est un acte irrémédiable. On a pas le choix de monter ou non sur scène dans les soirs qui viennent. On doit y aller.
Pierre DERENSY. |